Représentation du 12 décembre 2025, Théâtre de Kichijoji
Acteurs :
Durée env. 1h, suivi d’1h de talk de Tadashi Suzuki
Evaluation : 3.5/5
Dans un théâtre de Kichijoji complet, les spectateurs tous amis de la SCOT, condition préalable pour avoir une place et pouvoir, avant ou après le spectacle, payer son billet à un prix choisi par chacun, Tadashi Suzuki a présenté une nouvelle version du deuxième opus de sa pièce Du bord de la terre, bonjour ! Avant la séance, on n’avait pas pu trouver de description de la pièce, sinon des références à Shakespeare, au roi Lear. Après l’avoir vue, on comprend mieux pourquoi. Cette pièce est une réflexion sur le Japon contemporain, ses limites, son identité. Dans un décor sobre et beau, d’intérieur japonais avec tatamis, table basse, et cloisons, la lumière et les ombres prennent leur place. Une treille suspendue aux éclairages vient strier la scène et son sol, le quadrille. Le cadre est donné. Des scènes se succèdent, un couple devise sur le passé en buvant du saké, la femme remplissant la coupe du mari, on parle de l’identité du Japon, de la façon dont les japonais se reconnaissent japonais. Les ramen et le mont Fuji sont au centre de l’attention. L’utilisation réitérée de Nippon évoque le nationalisme. Une lutte finale oppose un japonais, un chinois, un coréen, un philippin, alors qu’on évoque l’oyabun américain. A couteaux tirés, on se croirait dans un film de yakuza. La diction des acteurs est puissante, le jeu soutenu, la présence évidente, d’autant qu’ils sont tous en chaise roulante. Cela reflète-t-il l’état du pays ?
Au bout d’une heure, on était surpris de la pièce, suspendu sur son intention. Heureusement, le spectacle venait juste de commencer, et le talk du metteur en scène, 87 ans, attachant, drôle, éclairait l’auditoire. Tadashi Suzuki est connu pour ses mises en scène de tragédie grecque. Il n’aime pas raconter des histoires individuelles, mais s’intéresse au politique, à la dimension tragique, au destin de personnages joués par leur destin et les dieux. Sa nouvelle version vient mettre en cause les évolutions politiques récentes, les tournants nationalistes, et leurs dangers. Ce n’était pas si évident, mais au moins, on en connaît maintenant les intentions. D’un point de vue formel, les chaises roulantes ont été une contrainte demandant à repenser les mouvements, les gestes, les luttes, tout en mettant tous les caractères au même niveau, à la hauteur de leur dossier. Au final on aura passer une bonne soirée, séduits par le verbe de Tadashi Suzuki, mais il fallait absolument rester pour l’explication de texte et les échanges avec l’auteur et metteur en scène – et repartir, chacun, avec un potiron blanc, cultivé par les soins de celui-ci du côté de Toga.
